Le blog de Jean-François André

Publié le par wandess

En fin d’après-midi la plomberie était réparée. Bonne nouvelle ça n’allait plus péter là pour quelques années. Mauvaise nouvelles ça péterai ailleurs, c’était écrit. J’ai écrit entre deux verres un nouvel article pour le blog de ce bon député. Le type ne manquait pas d’idées. Je recevais ses instructions par mail. Quelques fois il me passait un coup de fil. Ou bien un de ses conseillés. Je ne partageais pas ses idées. Ni sa paranoïa. Il le savait et préférait souvent être bien clair sur ce qu’il attendait que j’écrive. Mais il était très content de notre collaboration. Il n’était pas rare qu’il m’écrive pour me féliciter, parfois il décrochait même son téléphone. C’était assez rare lorsque ça pétait.

 

J’avais rencontré Jean-François Pascal presque un an plus tôt à l’occasion d’un de ces cocktails inaugurant des logements HLM de nouvelle génération. Ce genre d’événements où se bousculent les hommes politiques afin d’être tous signalés à leurs électeurs comme présents à l’événement, donc importants, et donc impliqués. Proche du terrain et des préoccupations de la France d’en bas en quelque sorte… J-F.P. ne panait que dalle à internet. Mais il s’était fait taillé un costard dans le blog de Jean-François André. Un beau costard sans me vanter.

 

Jean-François André avait été un des premiers à comprendre l’intérêt pour un homme politique de tenir un journal de campagne sur internet. Il était venu me recruter après avoir lu mon blog perso où j’écrivais sur la joie de vivre, les duretés de la vie, et des choses comme cela... Minoritaire dans son propre parti, quasi marginalisé, J-F André s’était fait par la suite, une place au devant de la scène grâce à son site internet, ce site où j’avais écrit pour lui. En quelque mois il était devenu la deuxième personnalité d’extrême droite préférée des Français. Grâce à son blog on parlait de lui dans la presse, on parla donc de lui à la télévision, il était devenu à peu de frais un homme dont les inepties étaient reprises et comptaient dans le débat politique.

 

 A présent son parti se déchirait entre ses opposants et partisans et je n’étais pas mécontent d’avoir indirectement participé à dynamiter la belle entente de façade. Quoi qu’il en soit j’avoue que j’avais eu chaque jour un peu la nausée d’écrire des textes destinés à promouvoir un facho de la trempe de Jean-François André. Surtout un facho aux allures si respectables. Et de l’avoir aidé à être aussi présentable… Si bien que lorsque Jean-François Pascal m’a proposé de tenir son blog, je n’ai pu que m’en réjouir. Certes il tenait, un verre de whisky dans la main, des propos aussi révoltant que ceux de Jean-François André, mais en façade c’était un bon chrétien-démocrate… J’avais déjà moins souvent envie de dégueuler. Puis il payait très bien.

 

Quelque fois je repensais à mon premier blog, aux virées et aux pique-niques sur les champs avec d’autres bloggeurs. L’effervescence des premiers pas. J’avais quelques fois le sentiment d’avoir poussé trop vite.

 

J’ai utilisé le téléphone fixe de Karim pour essayer d’appeler Karine. Mais toujours le même topo, impossible de m’expliquer avec quelqu’un d’autre que son répondeur.

Publié dans Altencia (Fiction)

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