Les fesses entre deux mines d'or

Publié le par wandess

Karine s’était sentie obligée de me rappeler alors que j’étais aux chiottes. Elle voulait être bien claire, j’étais le plus beau salop de cette terre. « Je referme ma braguette et on continue cette discussion plus tard » fis-je. J’ai passé mes mains sur le sol. C’était bien du marbre. Et pas le moins cher. Décidément Sylvette Piéri n’avait pas de quoi regretter d’avoir pompé quelques travaux universitaires pour rendre à l’Assemblée un rapport bidon à 45000 euros. Il y en avait plus cher dans leurs toilettes que pour toute ma bicoque. Pourtant je faisais nettement moins de fautes d’orthographe qu’elle.

 

J’ai pris une Suze, je n’avais jamais essayé. Jean Piéri et Olivier se sont lâchés sur le whisky. Pour le reste avec Karim on a suivi à la lettre le plan d’Olivier. Pro, attentifs, souriants, aimables, compétents, sérieux… Enfin bref pas besoin d’un dessin : des collaborateurs parfaits et idéaux, mais surtout silencieux derrière leur boss. Et on s’en tirait plutôt bien. Olivier avait ouvert son PC portatif et avait lancé des animations.

 

_ Autant vous dire que nous avons travaillé pour vous en imaginant un projet novateur. Vous aurez ce qui se fait de mieux, aucun autre homme publique n’aura un outil plus perfectionné que le votre. Bref nous vous proposons la crème du blog publique pour vendre votre image.

 

Depuis l’affaire Kiki, Karim n’avait rien eu d’autre à faire que concevoir cette merveille. Il avait en effet mis au point le top du blog. Sobre, graphiquement beau, avec le meilleur de l’animation flash et la pointe des technologies en matière de weblog : archives vidéo, et tout un tas de petites merveilles dont je ne connaissais pas encore le nom.

 

Sylvette et Jean semblaient impressionnés. « Aucun de nos concurrents ne sera en mesure de vous proposer cela. Ils n’ont pas l’expertise et travaille au moins coutant… Et à la fin qui est-ce qui paye ? » fit Olivier.

 

_ Nous ? demanda Sylvette.

 

_ Exactement !

 

J’étais blasé, mais je savais qu’il fallait en passer par là. Et je m’amusais assez finalement. Je n’avais jamais vu Sylvette et Jean Piéri en vrai de ma vie, ces belles petites crapules, ces deux médiocres qui rêvaient et rêvent encore de devenir prince et princesse… Olivier avait bien préparé son truc : il faisait croire à ces deux là qu’ils seraient grâce à nous autre chose que les crapauds qu’ils étaient.

 

_ Et pour les textes ? demanda Sylvette.

 

_ Le mieux est encore que notre responsable rédactionnel vous en touche un petit mot… sourit Olivier en dépliant sa main dans ma direction.

 

Je pris une grande respiration pour ne pas rigoler et coller au plus prêt de mon personnage. Karim avait très bien joué le responsable du développement technologique, s’il avait pu le faire, je ne voyais pas pourquoi j’en aurais été incapable.

 

_ Bien, fis-je, je suis donc le responsable du contenu… Je chapeaute notre équipe de rédacteurs. Nous proposons à nos clients des rythmes de publication très différents qui dépendent de vous et de la solution sur laquelle vous vous déciderez…

 

Jean Piéri semblait ravi. Il bombait le torse comme un important. L’idée d’Olivier de soit disant équipe de rédacteur était une merveille. Nous étions crédibles. Et nous pouvions ainsi largement prétendre aux tarifs que nous leurs proposions.

 

_ Mais comment ferez-vous pour écrire comme mon Jean ? demanda Sylvette.

 

_ Nous procédons à partir de ses propres textes. Avec un logiciel d’analyse linguistique nous étudions les grandes caractéristiques langagières écrites de votre mari. A partir de là nous définissons une charte rédactionnelle qu’utilise nos rédacteurs et moi-même pour écrire des articles à la manière de votre mari…

 

Elle ouvrit grand sa bouche. Sa langue failli en tomber et rouler sur la table. Jean Piéri quant à lui secouait son menton en essayant d’avoir l’air d’avoir tout compris. Et en effet il ressemblait à quelqu’un qui n’a rien compris et fait celui qui veut faire croire qu’il a compris. « Excellent » siffla-t-il.

 

_ En effet, fit Sylvette.

 

_ Il faut que nous réfléchissions mais cela me semble bien ! Qu’en penses-tu canard ?

 

_ Il y a une chose qui m’ennuie tout de même, fit canard.

 

Elle nous fixa dans les yeux. Elle sentait la bêtise de riches à plein nez.

 

_ Je me suis laissé dire que vous étiez de gauche… Je trouve cela un peu gênant pour défendre nos idées !

 

Là j’étais au top sur cette problématique et Olivier le savait, je me suis engouffré sur le boulevard qui s’offrait devant moi.

 

_ D’autres hommes politiques de droites ont eu également avant vous ce type d’interrogations. Sachez que nous sommes professionnels. Nous écrivons des contenus de droite aussi bien que si vous appuyez sur un bouton. Nous connaissons d’autant mieux les idées de votre mari qu’elles ne sont pas les nôtres. Nous les comprenons très bien, et nous savons comment les rendre séduisante pour le publique.

 

_ C’est en effet essentiel ! s’enthousiasma-t-elle.

 

_ En outre je vous demande, que faut-il à un homme de droite pour battre un homme politique de gauche ? Il lui faut des électeurs ! Or pour capter les indécis, il faut un discours de droite également adapté pour capter l’électorat susceptible d’être séduit par la gauche. Pour cela il faut parler de droite en sachant ce qui captive des électeurs potentiellement de gauche. Or en étant de gauche, nous savons quoi dire, quoi écrire, pour que ces électeurs là deviennent vos électeurs !

 

Les yeux de Sylvette brillaient. J’avais toujours eu un truc, un je ne sais quoi, qui plaisait à ce genre de femme là. Des trois, c’était plié, j’étais son chouchou. Elle ne s’adressa plus à nous sans me mettre au centre du jeu. Olivier réussit cependant à reprendre la balle et placer ces différentes études… Autrement dit les devis en fonction de différentes propositions que nous avions formulées. Mais je ne doutais pas que nos deux poissons étaient ferrés, et bien ferrés sur la proposition la plus haute et la plus chère. Même avec les 25% d’Olivier, c’était l’affaire la plus juteuse que je n’avais jamais connu depuis que je rédigeais des blogs d’hommes politiques. Nous étions dans la cours des grands.

 

A ce rythme là il était à craindre que tout s’accélère. Les blogs d’hommes politiques entraient à leur tour dans une nouvelle ère. Et la question se posait à moi : devais-je foncer et être de cette nouvelle ère, être devant, jouer dans la cours des grands jusqu’au bout, devenir un professionnel du buisines ? Etais-je venu pour cela ? Voulais-je de cette vie là ? C’était l’évidence même, il nous faudrait être devant, ou bien nous finirions tôt ou tard de nouveau dépassés, updatés… Nous étions sur le point de conclure un des plus beaux contrats qui soit, mais il était annonciateur d’un beau paquet d’emmerde. Si Jean Piéri faisait le choix de ce type de blog tôt ou tard tous voudraient la même chose, au même prix, mais avec bien plus de travail encore derrière. La concurrence allait devenir de plus en plus féroce. Nous n’allions pas rester bien longtemps le cul comme cela sur une si jolie mine d’or sans que d’autres viennent tenter de ce prendre un marché si juteux.

 

Je ne voulais pas de cela. Il me fallait dès à présent prévoir ma reconversion, préparer le terrain vers autre chose. Rien ne pressait encore. Je devais juste commencer à y penser.

Publié dans Altencia (Fiction)

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